Les Apaches de Paris
Auteur(s): Alain Ollier, Tony Rochon
Editeur(s): Blackrock Editions, Les Tontons Joueurs
Mécanisme(s): Majorité
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Ren: 8,5/10
Walk the talk
Avant d’en venir à ces Apaches de Paris qui nous occupent ce jour, il faut parler 2 minutes de la maison d’édition, Les Tontons Joueurs. Cette dernière a été fondée récemment pas 2 vieux routiers du monde du jeu de société, Alain Ollier et Tony Rochon (Blackrock Games…). Leur démarche est à souligner: ils veulent produire des jeux qui sont fabriqués dans le pays où le jeu est vendu (donc en France par eux-mêmes, à l’étranger sous licence avec l’obligation de fabriquer le jeu dans le pays en question). Ils le reconnaissent, cela ne sera pas nécessairement facile. Mais à l’heure ou l’urgence environnementale nous hurle à la figure, quand pas une journée ne se passe sans qu’on ait à déplorer des catastrophiques climatiques, des désastres environnementaux et des désespoirs sociaux (tout étant lié), il faut que tout le monde agisse. Et les Tontons joueurs ont décidé d’agir concrètement, dans leur domaine. Clairement cela aura (/a) un impact sur leurs chances de succès. Sur leur probabilité de gagner plein de pépettes avec leurs jeux. C’est d’autant plus respectable de leur part de se lancer dans cette voie!
Je leur souhaite donc de tout cœur bonne chance et j’espère qu’ils rencontreront le succès, ne fût-ce que pour la démarche (bon évidemment si ils produisent des jeux géniaux c’est encore mieux 😉 ).
Première sortie donc pour les Tontons, avec Les Apaches de Paris. Les Apaches sont une adaptation/refonte de The Boss, une petite pépite donc un exemplaire dédicacé par l’auteur à Essen n’est pas près de quitter ma ludothèque. La mécanique de base (divulgation progressive par les joueuses des informations dont chacune dispose) reste identique, mais le thème a été modifié, de même que le gameplay qui a été enrichi pour offrir de nouvelles possibilités.
Nous sommes maintenant au début du 20ème siècle, où des milliers d’Apaches sèment la terreur dans les quartiers bourgeois de la ville. A la tête d’un de ces gangs d’Apaches, vous allez devoir vous débrouiller pour contrôler les quartiers les plus lucratifs. Concrètement vous allez devoir placer (ou déplacer vos Apaches) sur les différents quartiers, en déduisant au fur et à mesure de l’avancement de chaque manche où sont les quartiers intéressants, et où sont les quartiers à éviter (parce que la police est présente, parce que vous risquez d’avoir un Apache blessé ou tué…).
Une partie se joue en 3 manches. Au début de chaque manche on va récupérer à tour de rôle des planques (=informations sur les gains ou dangers de chaque quartier). Sachant qu’on aura retiré une planque (sans la regarder) de chaque quartier, et que cette planque retirée sera la récompense (ou au contraire la perte) en fin de manche si on contrôle le quartier en question.
A chaque tour une joueuse pourra jouer une des 2 actions facultatives, puis jouer l’action obligatoire. Les 2 actions facultatives consistent à soit placer autant d’Apaches qu’elle le souhaite dans un quartier (sans créer d’égalité, i.e. on peut se placer sur un quartier où il y a déjà des Apaches adverses, où des Apaches à soi, mais on ne peut jamais en placer un nombre tel qu’il crée une égalité avec un autre gang), soit déplacer 1 ou 2 Apaches venant d’1 ou 2 quartiers vers 1 ou 2 autres quartiers. L’action obligatoire consiste évidemment à révéler une des planques récoltées en début de manche.
A la fin de chaque manche on regarde pour chaque quartier quel gang a la majorité, et on attribue le gain (/perte) à ce dernier. A la fin des 3 manches le gang ayant le plus d’argent l’emporte.
Mais encore
Les règles sont simples, et c’est indispensable pour ce genre de jeu qui doit être relativement « évident ». Mais cette simplicité n’empêche pas la présence de plusieurs éléments ou mécanismes qui rendent l’affaire beaucoup plus intéressante qu’elle ne parait au premier abord. D’abord et avant tout, évidemment, le mécanisme de base du jeu. La divulgation progressive des planques est vraiment un processus que j’adore. Le but étant évidemment de terminer en contrôlant un ou des quartiers lucratifs. Donc de garder jusque très tard dans la partie pour soi les planques qui donnent des informations intéressantes. Et ce plaisir commence dès le début de la partie, avec le choix à tour de rôle des planques sur le plateau (quels quartiers privilégier, plutôt proches les uns des autres ou pas, est-ce que je laisse mes adversaires prendre plusieurs planques dans le même quartier, et du coup avoir plein d’infos sur ce quartier, est-ce qu’au contraire je les marque à la culotte…), et ne fait que croître tout au long de la partie, puisque les choix deviennent à la fois de mieux en mieux éclairés, puisque vous avez de plus en plus d’informations, mais aussi de plus en plus cornéliens puisque chaque planque que vous révélez aidera les autres joueuses pour leurs choix à elles… une sorte de mini supplice chinois, avec une belle mise en évidence de la maxime « choisir c’est renoncer ». Savoureux!
Ensuite les placements et déplacement de vos Apaches. Vous en avez 10 en début de partie. 7 meneurs et 3 novices. Les meneurs reviendront à chaque manche (si ils ne sont pas blessés, emprisonnés ou tués…). Par contre les novices ne serviront que dans la manche où vous les utilisez. Donc il y a une réflexion stratégique à avoir, et une prise de risque éventuelle sur le moment où utiliser ses novices. De plus les novices ne peuvent jamais se retrouver sans un meneur pour les accompagner. Donc il y a également une bonne petite réflexion sur la manière de les placer/déplacer quand on les utilise. Certains emplacements permettent également de gagner un renfort, qui aura le même rôle qu’un novice pour la manches suivante. Et de manière générale ce système de déplacement est une des grandes différences par rapport à The Boss. Ca amène un aspect dynamique et (encore) plus d’interaction entre les différentes joueuses (à noter que l’ordre du tour lors du dernier tour de chaque manche est modifié en fonction du nombre d’Apaches déjà placés sur le plateau, ce qui ajoute une petite dimension stratégique non négligeable).
Le plaisir se trouve également et bien évidemment dans tout le bluff qu’on va essayer de mettre quand on révèle ses planques et qu’on place/déplace ses Apaches. On va essayer d’intoxiquer les autres en ne mettant personne dans tel quartier, en mettant 3 Apaches au tour suivant pour les déplacer 2 tours plus tard, en gardant ses Apaches pour la fin de la manche… bref pour celles et ceux qui aiment ce petit jeu d’influence c’est un régal.
Last but not least certains quartiers spéciaux (bourgeois et receleur) fonctionneront de manière un peu différente pour mettre un peu plus de piment encore dans le jeu (e.g. chez les bourgeois vous cambriolez une maison, i.e. vous tirez un des 4 jetons, 3 étant positifs, le 4ème étant un policier).
Tout ça nous donne un jeu qui procure des sensations très comparables à The Boss (pas illogique vu qu’ils ont le même papa 😉 ). On a du bluff, la montée de la tension tout au long de chaque manche, de la prise de risque, de l’intox, un peu de stratégie et pas mal de tactique, une forte interaction indirecte. Mais aussi de l’aléatoire (certains diront chance, mais ce n’est pour moi pas pareil à un jet de dés) et du non-contrôle (allergiques à cela enfuyez-vous!). Ces 2 derniers points font pour moi partie intégrante de l’expérience, ils sont consubstantiels à la mécanique de base du jeu, ça n’aurait aucun sens d’avoir un contrôle total (achetez un tableur exc… heu pardon un bon euro allemand si vous cherchez ça :-D). Et bien évidemment il faut rappeler la démarche mentionnée au début de cet article, le jeu est donc entièrement en carton et papier, avec une édition simple mais nickel.
En conclusion la différence principale est vraiment pour moi le système de placement/déplacement (en plus du thème). Si vous préférez l’immédiateté et la simplicité vous opterez pour The Boss. Si vous préférez un peu plus de gameplay et encore plus de bluff/intox (mais aussi du coup des parties légèrement plus longues) vous opterez pour Les Apaches de Paris. Mais dans les 2 cas vous aurez du plaisir!
SwatSh: 7/10
Les Apaches de Paris est une version revisitée de The Boss qui nous avait beaucoup plu à l’époque. Les Apaches de Paris garde le même charme que l’original en y ajoutant des petites particularités comme de pouvoir déplacer ses apaches entre les zones. Et c’est bien vu car le jeu garde bien cette dynamique de découverte progressive des récompenses de chaque lieu.
Je préférais l’épure de The Boss qui limitait le jeu à un jeu de cartes. L’ajout du plateau pour un jeu qui reste tout aussi léger alourdit un peu le tout. Mais c’est grâce à lui que la chouette mécanique du déplacement est possible. Et celle-ci est vraiment bien vue car elle encourage le bluff. Il vous arrivera de placer des apaches sur des lieux que vous savez peu intéressants afin d’encourager vos adversaires à surenchérir sur ce lieu juste avant que vous ne le quittiez.
Evidemment, prendre des décisions et réaliser des actions sur base d’informations partielles mène d’office à des erreurs «à l’insu de notre plein gré » 😉 Ca conduit à un sentiment de manque de contrôle qui pourra engendrer une certaine fatalité.
Vin d’jeu d’music
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