Harvest Island
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SwatSh: 7/10
Big Fun Games, l’éditeur Taiwanais d’Harvest Island, n’est pas un inconnu puisque c’est également lui qui a publié Medical Frontier et European Union.
Harvest Island est un jeu de collection de cartes assez abstrait qui me fait un peu penser à l’excellent Cités Perdues de Reiner Knizia.
Acquisition de cartes
Tout comme dans Les Cités Perdues, les joueuses vont acquérir leurs cartes via un système semi-hasardeux. Bien souvent, à son tour, on va jouer 2 cartes fruits puis piocher 2 nouvelles cartes de la pioche. La subtilité vient du fait qu’on peut soit piocher dans la pioche, soit dans l’étal. Et cet étal est rempli par les cartes défaussées. Autrement dit, les cartes fruits qu’on ne collectionne pas vont nous embêter et on aura tendance à les défausser tout en sachant que ce seront vos adversaires qui pourront les piocher lorsque la défausse sera disponible. Cette mécanique va encourager les joueurs à se lancer dans des collections déjà prises par des adversaires juste pour éviter de les faire bénéficier de leurs défausses.
Et la subtilité ne s’arrête pas là puisque la pioche est séparée en 4 paquets. Un pour chaque saison. Et les mêmes fruits ne se retrouvent pas dans chaque saison. Il va falloir viser certaines collections dans le long terme comme les bananes qui se retrouvent à toutes les saisons et d’autres à court terme si le fruit n’est disponible que lors d’une ou 2 saisons.
Collection de cartes
Pour pouvoir collectionner les fruits, il va falloir les planter. C’est l’action principale que les joueuses vont réaliser au fil des tours. Chaque joueuse dispose de 3 champs. Chaque champs ne peut contenir qu’un seul fruit. Quand on décide de planter, soit on ajoute des cartes fruits à un champ déjà ensemencé par le même fruit, soit on sème un champs vierge de cartes en plaçant une carte fruit sous le champ. Les prochaines cartes fruit placées dans ce champs devront être placées au-dessus de la carte et rapporteront des PVs. L’action planter/semer permet de jouer 2 cartes puis d’en piocher 2. C’est une action assez subtile car il faudra non seulement tenir compte des cartes de sa main (plus on a les mêmes cartes, mieux il vaut les planter) mais également des champs adverses pour soit les bloquer soit éviter qu’ils nous bloquent.
De plus, vous ne disposez que de 3 champs et chaque champ ne peut contenir qu’un nombre de fruits limité : respectivement 4, 6 ou l’infini. Les choix sont contraignants.
Récolter un champ
La seconde grande action que vous pouvez réaliser à votre tour consiste à récolter un ou plusieurs champs. On défausse la carte fruit ayant servi à ensemencer et toutes les autres vont vous rapporter des points. De plus, une sorte de concours au plus grand champ a lieu entre les joueuses. Dès qu’on récolte un champ, on compte le nombre de fruits qui le compose et on place le marqueur fruit sur le chiffre du plateau central correspondant. La joueuse qui a récolté le plus de fruits d’une sorte devient la reine du fruit en question et gagnera 8 PVs par jeton reine de fruit en sa possession à la fin du jeu.
Tiraillements
Les joueuses vont donc être tiraillées entre plusieurs éléments contradictoires :
- Avoir les champs les plus grands avec le plus de fruits pour devenir la reine de chaque fruit
- Eviter de défausser les fruits qui intéressent les adversaires et se lancer dans les petits champs ensemencés par des fruits partagés avec les adversaires
- Récolter le plus rarement possible car cette action se fait à la place de planter et est moins lucrative
- Récolter vite lorsqu’on a que des cartes fruits qui ne nous intéressent pas pour pouvoir les planter mais alors tirer une croix sur son ambition de devenir la reine du fruit en question.
- Attendre impatiemment qu’une joueuse défausse ses cartes avant soi pour pouvoir piocher ses cartes défaussées
Tout cela donne un jeu assez froid et abstrait de collection de cartes. La chance de la pioche joue son rôle et le jeu aurait mérité d’être écourté. Il n’en reste pas moins assez bien ancré dans son thème agricole et ses choix ne sont pas toujours évidents. On se surprend à vouloir enchainer les parties pour devenir the queen of banana 🙂
Ren: 8,5/10
Formose (ancien nom de Taïwan), climat tropical. Le spot de rêve pour faire pousser des fruits tropicaux. J’y pensais justement le mois passé en allant à Essen: « ho comme ce serait chouette d’avoir un jeu qui se passe à Formose et où on pourrait faire pousser des fruits tropicaux ». Paf, coup de bol, Chih-Fan Chen et Big Fun ont pensé à moi, voici Harvest Island a Fruit Grower pour satisfaire mes fantasmes les plus inavoués!
Dans Harvest Island nous allons donc incarner des cultivateurs qui vont faire pousser des fruits tropicaux. Chaque joueuse (si si, joueuse 😉) a 3 champs à disposition devant elle pour planter ses fruits. Un champ où elle pourra mettre 4 cartes (qui représentent les fruits), un où elle pourra en mettre 6, et un où elle pourra en mettre un nombre infini.
A son tour on peut effectuer 1 action parmi 2 possibles: soit placer 2 cartes, soit récolter 1 ou plusieurs champs.
Placer 2 cartes
On peut placer ses cartes soit sur ses champs, soit dans la réserve (ou une de chaque côté). Si on place sur un de ses champs il faut simplement respecter la limite du champ en terme de nombre de cartes (et bien sûr un champ ne peut contenir qu’un seul fruit). Si on les place dans la réserve on les dépose simplement à l’endroit idoine. Ensuite on complète sa main à 4 cartes, soit en prenant dans le stock disponible, soit dans la pile de la saison en cours (les 4 saisons classiques, on n’entame la suivant que lorsque la précédente est terminée). Astuce, dès que la réserve compte 4 cartes ou plus à la fin d’un tour d’une joueuse, on remplace le stock existant (=on défausse toutes les cartes) et on met à la place toutes les cartes de la réserve.
Récolter un ou plusieurs champs
Récolter un champ revient à prendre toutes les cartes du champ, sauf la première (qui a servi de graine) et à les garder devant soi face cachée. A la fin les fruits récoltés rapporteront des points. On peut récolter 1, 2 ou les 3 champs.
Jusque là rien de bien sorcier ni passionnant me direz-vous. Et vous aurez bien raison! Mais heureusement Chih-Fan ne s’est pas foutu de notre poire, il a ajouté quelques petits ingrédients qui agrémentent agréablement cette salade de points… heu je voulais dire de fruits.
Planification et risque
Tout d’abord il nous a indiqué combien de cartes de chaque fruit il va y avoir dans la pile de chaque saison. Donc on sait par exemple qu’il y a 6 mangues au printemps et 5 en été. Mais aucune en automne ni en hiver. Donc si on arrive au début de l’automne et que vous avez un champ avec une misérable carte mangue (qui ne vaudra rien en plus puisque c’est la graine), ben vous savez que c’est mal barré! Il y a donc un élément de planification de de prise de risque (de bol diront ceux qui voient toujours le verre à moitié vide…) qui rend déjà le jeu plus intéressant.
C’est qui le plus fort?
Ensuite Chih-Fan nous a ajouté une petite course pour chaque fruit. En effet si on récolte un champ d’au moins 4 cartes on peut prétendre à devenir le roi du fruit en question. Sachant que si quelqu’un récolte un champ plus grand plus tard il peut vous prendre le titre. Chaque titre de roi vaut 8 points (il y a 12 fruits différents). Sauf le titre de roi du raisin qui vaut évidemment 1000 points pour les lecteurs de Vin d’jeu. Ca ça rend le jeu encore beaucoup plus intéressant, on commence carrément à avoir un petit aspect stratégique, léger mais réel, qui est très sympa.
Put*** de météo à la con!
Climat tropical vous avez dit? Donc il pleut beaucoup. Et quand il faut chaud il faut chaud. Chih-Fan a pensé à nous aussi: dans chaque saison il y a un certain nombre de cartes météo, soit soleil soit pluie. Idem que pour les cartes fruits (avec lesquelles elles sont mélangées), on voit combien de cartes de chaque type se trouvent dans chaque saison. Chaque fois qu’une joueuse pioche une carte météo à la place d’une carte fruit, on la met sur l’emplacement prévu à cet effet sur le plateau. Une carte soleil annule une carte pluie et vice-versa. Par contre si 3 cartes soleil ou 3 cartes pluie sont tirées d’affilée, paf, c’est la catastrophe naturelle qui s’abat sur votre tête! Chaque joueuse doit alors défausser la moitié des cartes de son plus grand champ, en prenant les cartes qui valent le plus de points. Pas cool. Voilà qui met un peu de fun et de tension, les catastrophes arrivant quasi à chaque partie (Chih-Fan a bien calculé son coup, le chenapan), et en tout cas il y a tout le temps des situations où il y a 2 cartes d’un type présentes, et donc de la tension! (« non non, pas à nouveau de la pluie »… on croirait entendre un Belge moyen chaque matin en se levant!
Monsanto tu éviteras comme la peste… tout en fertilisant ton champ
Dernière astuce, si on place 2 cartes dans la réserve, au moment de compléter sa main à 4 cartes on peut prendre une carte fertiliseur. Cette dernière ne vaut rien au moment de récolter un champ, mais elle compte pour 2 dans le calcul de la valeur du champ (pour le titre de roi du fruit en question). Donc çà offre des possibilités supplémentaires de faire la course, et surtout de faire des petits coups tordus pour récupérer un titre déjà revendiqué par une autre joueuse.
This is the end
Le jeu se termine quand les 4 piles saison sont épuisées. Tout le monde joue le même nombre de tours, puis on compte les points. Les points sur les cartes pour les fruits récoltés. 2 points par carte non récoltée. Et 8 points par titre de roi d’un fruit.
Tout ça donne un jeu très sympa. Très simple au premier abord, il se révèle plus intéressant que craint ou prévu. Bien sûr il faut éviter de jouer en vous faisant des noeuds au cerveau, sans quoi le jeu deviendra beaucoup trop long pour son gabarit. Mais si vous jouez de manière fluide, le jeu sera extrêmement agréable, très plaisant à l’oeil (magnifiques aquarelles pour les cartes fruits) et rempli de possibilités de faire des petits coups tordus. Bon maintenant j’ai faim, je vais me faire une salade de fruits.
Vin d’jeu d’vidéo
La dégustation en 10 minutes par Ren
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