7 Wonders Nouvelle édition 10ème anniversaire


Moi aussi je joue!

10 ans… 10 ans déjà que 7 Wonders est arrivé dans le monde ludique. 10 ans pendant lesquels il a consolidé son statut de mythe ludique, un de ces (très) rares jeux que « tout le monde » connaît: jeunes, vieux, débutants, joueuses velues, eurogamer convaincu ou martien ludique… bref un de ces quelques jeux qui sont passés à la postérité. Antoine Bauza, l’auteur, a ici touché le nirvana pour un créateur de jeux, en réussissant la synthèse parfaite et tellement complexe permettant d’attirer à une même table des débutants ou joueuses occasionnelles (pour qui le jeu sera accessible, et plaisant même en perdant parce qu’on construit sa merveille, sa petite civilisation à soi, les cartes sont jolies, le jeu n’est pas trop long…) et gamers 6ème dan (pour qui le jeu sera quand même suffisamment « consistant » que pour générer un challenge, et plaisant même en gagnant contre des débutants parce qu’on construit sa merveille, sa petite civilisation à soi, les cartes sont jolies, le jeu n’est pas trop long…)

Bref le carton total. Et les brouettes d’extensions n’ont fait qu’amplifier et renforcer le phénomène, chacune et chacun trouvant la combinaison ludique qui plaira le plus à son groupe de jeu en les combinant à l’envi.

Pas besoin de vous faire un dessin, je suis tombé dans la potion magique depuis la sortie du jeu. J’ai joué beauuuucoup de parties, avec un de mes groupes de jeu et en famille, et j’ai la totale (Duel inclus). Et je ne parle même pas des parties en ligne… Bref quand on m’a proposé de faire la revue de cette nouvelle édition j’ai d’abord pensé: « c’est gentil mais je connais un tout petit peu le jeu… ». Puis je me suis dit qu’en fait ce serait sympa de faire un article non pas (ou pas seulement) sur la réédition en elle-même, mais (surtout) sur la (ou les) question philosophique sous-jacente: « est-ce que l’éditeur fait une démarche bassement commerciale en rééditant un jeu ou y a-t-il une valeur ajoutée pour la communauté ludique? »

Money money money…

Quand un éditeur réédite un grand succès passé, il peut y avoir plein de raisons. Le jeu pouvait être épuisé (le plus classique), et donc quasi introuvable pour les « nouvelles » joueuses qui veulent le découvrir. Le jeu peut être rethématisé. Le jeu peut être remis au goût du jour graphiquement parlant. Il peut être « resizé » (ho le vilain anglicisme, je ne trouve pas le bon mot en français). Il peut être publié dans une version deluxe (itou) pour les collectionneurs. Il peut être légèrement toiletté pour intégrer une gamme définie de l’éditeur. Bref il peut y avoir une multitude de raisons justifiant une réédition, qu’elle soit à l’identique ou qu’elle modifie la version originale.

Jour…

Avant d’en venir à la réédition qui nous occupe, il faut rappeler que les éditeurs exercent un métier. Et que dès lors en publiant des jeux leur but, ben c’est de gagner leur vie tout simplement! Certes en nous faisant plaisir (car plus l’homo ludicus sera heureux plus il sortira facilement la gold platinum full options pour ce all-in alléchant à 289 euros « pas cher il y a 18 stretch goals débloqués et 10983098320934209842094 figurines en bois de santal de la forêt équatorienne groenlandaise »). Mais gagner leur vie donc. Et gagner leur vie, ça passe par vendre des jeux. Donc quand ils rééditent un jeu, il est bon de le rappeler, leur objectif est d’en vendre le plus d’exemplaires possible pour gagner des sous. Et ceci n’a rien de déshonorant. Nous évoluons dans un loisir de niche (même si la niche s’agrandit, certainement avec ce que nous vivons depuis plusieurs mois). Et même si on aimerait continuer à évoluer dans un monde de Bisounours comme il y a 20 ans où « tout le monde se connaissait » et on était entre initiés, et bien il y a maintenant des gens qui vivent de ce loisir, et dont c’est la profession. Et c’est génial pour eux!

Nuit

Mais il est tout aussi clair (en tout cas pour moi) que ce métier doit s’exercer de manière responsable et « honnête », comme n’importe quel métier. Donc gagner sa vie oui, mais de manière transparente et « honnête ». C’est pour moi à l’aune de ce critère qu’il faut juger si une réédition est « acceptable » ou si c’est seulement une pompe à fric d’un éditeur fainéant. On peut repartir des quelques raisons cités plus haut:

Réédition à l’identique car le jeu était épuisé (et il y avait une demande de la communauté) –> totalement clean. L’éditeur remet le jeu à disposition de nouveaux joueurs, aucun intérêt pour les joueurs qui en possèdent déjà un exemplaire d’acheter la nouvelle édition (sauf si les cartes du jeu sont poncées après des centaines de parties par exemple, mais dans ce cas les joueurs concernés seront ravis aussi). En général ce genre de rééditions est salué par des messages enthousiastes des joueurs.

Jour…

Réédition avec rethématisation –> là le débat est déjà plus vif en général. On peut en effet voir la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine: un autre thème permettra peut-être de convaincre de nouveaux joueurs. D’un autre côté l’éditeur peut être accusé de paresse: je commande quelques nouveaux dessins et hop je ressors un « nouveau » jeu. Et la question se complexifie si en plus de la rethématisation l’éditeur modifie des règles ou l’équilibre du jeu. Certains ne jureront alors que par la nouvelle édition « qui corrige enfin les défauts de la première version » alors que d’autres hurleront à la trahison car « ce n’est plus le même jeu ». Chacun évaluera personnellement la pertinence des changements, mais c’est clairement un cas où on peut évaluer si l’éditeur a fait le boulot ou si il ne s’est pas foulé.

Réédition avec resizing ou toilettage pour intégrer une gamme définie –> pas grand chose à dire dans ce cas, les joueurs existants ne gagnent ou ne perdent rien par rapport à la première édition. Les nouveaux joueurs joueront simplement avec une boîte de taille différente ou avec un layout extérieur cohérent pour rentrer dans une gamme donnée.

Nuit (ok j’arrête)

Réédition deluxe –> ici par contre le débat sera vif également. Car ces rééditions ne s’adressent en général qu’aux joueurs confirmés, voire carrément aux joueurs qui sont déjà fans du jeu et en ont un exemplaire. Et l’éditeur va alors faire appel aux sentiments du fan, à son esprit de collection. « Tu aimes mon jeu? J’ai pour toi la version ultime, pleine de jolis meeples sculptés en bois, de pièces en métal, de cartes king size, avec un totem premier joueur et un sac en peau de snouffelaire. Bon évidemment c’est (un peu, beaucoup, passionnément, à la folie…) plus cher, mais comme tu aimes tu ne comptes pas, hein cher pig*** ami! ». Il est bon dans ce cas de rappeler que personne n’est obligé d’acheter un jeu (ou en l’occurrence une réédition). Donc les torts, si torts il y a, seraient au moins partagés. L’éditeur serait « coupable » de jouer sur la corde sensible de la collectionnite, mais le joueur serait tout aussi « coupable » de tomber dans le panneau. Sans compter que dans certains cas ce sont les joueurs eux-mêmes qui sont demandeurs. Et pour complexifier à nouveau la discussion, la version deluxe vient aussi parfois « compenser » une première édition cheap. L’éditeur ne pensait pas que son jeu aurait autant de succès, et il l’avait donc publié « à minima », avec un matériel limite. Dans ce cas la version deluxe peut être perçue comme une tentative de se racheter. Mais les mauvaises langues objecteront que l’éditeur pouvait très bien publier une première édition plus décente… Bref ce cas suscite souvent le débat.

Dernier élément qui entre en compte pour moi, la notion de bonne foi de l’éditeur. Pour reprendre l’exemple cité juste ci-dessus, si un tout nouvel éditeur inconnu qui n’a jamais publié un jeu sort un premier jeu dans une version cheap, puis que son jeu est un succès inattendu et qu’il le ressort en version deluxe, perso je comprends tout à fait. J’aurais plus de mal si DoW, qui sait à l’avance que n’importe lequel de ses nouveaux jeux se vendra à minima correctement, sortait sa nouvelle boîte dans une version basique puis quelques mois après dans une version deluxe. Autre exemple, si un éditeur connu sort un jeu avec des decks, annonce au départ qu’il y aura 6 decks différents publiés au fur et à mesure, et réédite tout dans un nouveau layout / une nouvelle taille de cartes après le 3ème deck par exemple (alors qu’il avait annoncé qu’il en publierait 6), là je trouve que ça craint solide. Les joueurs qui ont acheté les premiers decks seraient obligés de les racheter si ils veulent jouer avec l’ensemble du jeu tel que prévu au départ. Pas glops du tout.

En résumé pour moi tout dépend de l’honnêteté et de la transparence de la démarche. Pourquoi et comment le jeu est-il réédité?

Bon et 7 Wonders alors?

Une fois que j’ai bien soliloqué, quelques mots quand même sur la réédition qui nous occupe. Et bien ma foi j’ai honnêtement été agréablement surpris. Pas tant par le fait que le travail a été bien fait (les Belges aux Sombreros sont des pros quand même, et ils ont rarement décu depuis toutes ces années. Et vu qu’ils ont maintenant une belle-mère tentaculaire pas de raison que ça change…), mais par le fait que cette réédition a réussi à me donner une petit étincelle d’excitation sur un jeu que je connais par coeur depuis des années. Et ce pour 3 raisons.

De 1 Les cartes sont plus grandes. Ca n’a l’air de rien mais c’est très agréable (bon il y a peut-être aussi le fait que les cartes soient neuves qui a eu un impact, alors que mes cartes sont usées jusqu’à la corde). On s’habitue instantanément à ce format un peu plus grand. Et les merveilles, au lieu d’avoir une face A et une B, ont maintenant une face jour et une face nuit, avec 2 illustrations différentes. Ca ne change rien sur le jeu en lui-même mais c’est sympa.

De 2 l’ergonomie a été repensée. Tout d’abord les informations importantes sont maintenant indiquées au dessus de chaque carte, ce qui signifie que vous pouvez empiler vos cartes de même couleur verticalement, et plus en diagonale comme dans le première édition (pour voir les chaînages). Ensuite concernant les dits chaînages, ils ne sont plus indiqués par les noms des cartes, mais par un symbole (comme dans Duel). On peut objecter qu’on perd un peu d’immersion dans le thème du jeu (on ne lit plus les noms des bâtiments), de l’autre côté ça rend clairement la lisibilité du jeu et l’identification des chaînages plus faciles.

Enfin de 3 les coûts ou pouvoirs de quelques cartes ont été modifiés. Aidés sans doute par le retour de milliers (/millions) de joueurs et de parties, ils ont rééquilibré certaines cartes. Il est toujours difficile d’estimer si ça corrige un vrai déséquilibre ou pas (ce n’était pas frappant à mon sens dans la première édition) mais il faut saluer l’effort de l’éditeur d’avoir « revu » le jeu et de ne pas s’être contenté de le repeindre.

Tout ça nous donne une réédition que je trouve en fait assez réussie. Repos a clairement voulu améliorer le look and feel du jeu (j’ai omis de mentionner que la couverture « claque » beaucoup plus que la première édition, avec le nom du jeu et un liseré en doré, et le dos des cartes est brillant, au sens premier du terme) pour le positionner dans une catégorie plus « select » (en tout cas au niveau visuel). Les changements de règles ne justifient certainement pas d’acheter la nouvelle édition rien que pour ça, donc il n’y a pas d’entourloupe vis-à-vis des joueurs existants.

La question finale est donc de savoir si il y aura de nouvelles extensions ou pas dans le futur, et si ils l’ont déjà prévu maintenant ou pas. Si la réponse est non, pas de souci (même si l’auteur a une nouvelle idée dans 3 ans et qu’une nouvelle extension sort quand même – on ne peut pas interdire aux auteurs d’être créatifs!). Et les joueurs existants qui râlent parce que les 2 versions ne sont pas compatibles sont de mauvaise foi, car l’édition de base et les différentes extensions sont encore toutes disponibles aujourd’hui sans aucun problème. Par contre si la réponse est oui aux deux questions, et que la ou les extensions futures sont convaincantes, ça ferait certainement grincer beaucoup de dents…

En attendant de savoir cette réédition est en tout cas une réussite.

Vindjeu
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